Comment faire la différence entre aimer une personne et être dépendant affectif ?

Au cours de mes consultations j’entends souvent les phrases telles que :

  • « Si on n’est pas jaloux, c’est qu’on n’est pas amoureux »
  • « Il (ou elle) était très jaloux (se), c’est parce qu’il (elle) m’aimait et je ne voulais pas le (la) faire souffrir »
  • « C’est normal que je veuille savoir où il (elle) est et ce qu’il (elle) fait, il (elle) compte pour moi » 
  • « Je ne comprends pas qu’il (elle) veuille faire des choses sans moi, quand on aime réellement quelqu’un on veut tout faire avec lui »
  • «  Je n’ai pas envie de faire des activités sans lui (elle) »
  • « Il (elle) est mon pilier, sans lui (elle) je n’existe pas »
  • « Je lui envoie un message, je ne comprends pas qu’il (elle) ne me réponde pas de suite, ça prend deux secondes. Il (elle) sait qu’après je ne suis pas bien, je suis sûre qu’il (elle) le fait exprès »

Autant de fausses croyances qui induisent en erreur quant à la vraie nature de la relation.

Il est vrai que lorsque nous sommes amoureux, surtout dans la phase de lune miel (1ère phase d’un couple, qui peut durer jusqu’à 3 ans), on veut profiter au maximum de notre partenaire. On peut ressentir de façon « douloureuse » le manque de sa présence si elle dure plusieurs semaines ou mois. Et cela est bien évidemment normal.

Pour le dépendant affectif,  l’absence de l’autre est une épreuve insurmontable. Il agira alors selon son manque, peu importe les conséquences sur le long terme. Pour lui, à ce moment là, il n’y a que le présent qui compte. 

Par exemple, la personne souffrant de dépendance peut se présenter sur le lieu de travail de l’autre car il (elle) ne répond pas à ses messages.

Il (elle) peut envoyer un message toutes les 2 minutes tant qu’il (elle) n’a pas de réponse….

Dans les croyances collectives, si on n’est pas jaloux, alors on n’est pas amoureux. Or l’amour est fondé avant tout sur la confiance et le respect de l’autre. La jalousie réelle, n’existe pas dans un couple sain. 

Le dépendant affectif, lui, vit avec douleur une jalousie profonde au point de s’imaginer sans cesse des scénarii non réels en guise de signe de désintérêt de la part de son partenaire, ce qui génère, très souvent, de violents conflits avec des conséquences dévastatrices dans le couple.

Lorsqu’on est amoureux, nos émotions peuvent être très intenses. Il est normal de ressentir des sensations nouvelles, souvent incomprises, d’être attentionnée envers l’autre, d‘éprouver l’envie de voir l’autre…

Le dépendant affectif, lui,  peut passer de l’amour passionnel  à la haine extrême, avec une facilité déconcertante. Il vit comme sous l’emprise d’une drogue. L’autre et la relation envahissent ses pensées et il peut basculer d’un instant à l’autre d’un moment de pure euphorie, à des moments de souffrances extrêmes pour lui, liés à sa peur obsessionnelle du rejet ou de l’abandon.

On peut, également, être amoureux d’une personne et reconnaître tout de même une incompatibilité et prendre conscience, avec du recul, que la relation ne fonctionnera pas sur le long terme, voire même que celle-ci est toxique pour nous.  Malgré la souffrance que cela peut générer, nous sommes capables de prendre la décision de stopper la relation pour retrouver une vie plus équilibrée et sereine.

La personne en dépendance affective, elle, pourra subir des comportements toxiques, impardonnables, voire dangereux,  et malgré cela elle persistera à rester et se battre  pour sauver une relation destructrice, plutôt que de se battre pour son propre bonheur. Elle vous dira même qu’elle est plus heureuse avec l’autre, malgré ses comportements, que sans lui.

Elle est prête à accepter l’inacceptable, avec comme argument principal « oui mais je l’aime! »

Les personnes dépendantes acceptent même la violence pour éviter de risquer de perdre le lien. Pour elles, la violence subie est moins grave que la perte de la personne dont elles sont dépendantes. 

Généralement, la violence physique est précédée de violence verbale. Dés lors les règles doivent être posées sans la moindre concession. Si le conjoint n’arrive pas à se tenir à un respect strict de l’autre, la relation doit cesser. Toute violence doit faire cesser la relation immédiatement. Il n’y a pas de petite violence ou de bonne raison. La moindre gifle doit faire stopper la relation. 

L’amour est une construction dont les fondements sont le respect de chacun, le respect des individus et de leurs aspirations. Pour le dépendant affectif, le partenaire est l’unique raison de son existence. Sa vie n’a de sens qu’auprès de lui ; il ne vit qu’à travers lui, au point d’en oublier ses propres besoins voire même de se nier complètement pour correspondre à ce que l’autre souhaite. L’autre est le centre de son monde. 

Vous l’aurez compris, la dépendance affective est avant tout une addiction. Et comme toute addiction, la personne qui en souffre, vit sous une contrainte quasi quotidienne d’un besoin de sa dose. Et  toute dépendance prive de liberté.

L’objet de la dépendance affective est de combler un vide incommensurable. La frontière entre l’amour et l’attachement est inexistante, puisque pour le dépendant affectif, c’est l’attachement qui prime. Son lien relationnel n’est pas un lien qui répond à un besoin sain et naturel de partager mais un lien douloureux autour de la peur du rejet, de la peur de l’abandon ou de la peur d’une trahison. Cette quête d’attachement fusionnel et profond n’est là que pour répondre à ses nombreuses peurs de souffrir. Et très souvent les réponses à ces peurs sont le mensonge, la fusion, la soumission à l’autre, la domination ou encore la culpabilisation.

A ce stade il me parait important de préciser qu’il ne faut pas confondre dépendance affective et attachement. 

Le besoin d’attachement est naturel, normal et sain. Il n’y a rien de pathologique à vouloir aimer et être aimée. Si vous avez lu l’article sur « le développement du psychisme de l’individu », vous aurez compris que les besoins affectifs sont des besoins fondamentaux et que l’’attachement est essentiel à notre santé psychique comme physique.

COMMENT DEVIENT-ON DÉPENDANT AFFECTIF ?

La première piste se trouve dans l’enfance. 

  • Bien que cela ne soit pas le cas pour tous, de nombreux dépendants affectifs ont vécu, dans leur enfance des manques d’affection et de reconnaissance, qui ne lui ont pas permis de développer son estime de soi et sa confiance en soi. On peut parler de maltraitance psychologique ou physique.

Dans une famille où les besoins affectifs fondamentaux de l’enfant ne sont pas comblés (voir article sur le développement psychique de l’individu), l’enfant croit qu’il ne mérite pas d’être aimé. 

D’autres n’ont pas été victime de maltraitance ou de violence psychologique, mais il se peut que leur besoin d’amour n’ait pas été comblé en raison d’un amour instable et inconstant. 

Cela peut être dû :

  • A de parents trop exigeants, difficiles à satisfaire. 
  • A un manque de considération des besoins de l’enfant. 
  • A une maladie de la figure d’attachement (maladies longues durées, dépression, alcoolisme…) 
  • Lorsqu’un des parents se désengage de la relation avec l’enfant, lors d’une nouvelle naissance ou d’un remariage par exemple.

  • Quand un des parents présente lui-même un schéma d’abandon. Il va transmettre ce sentiment d’insécurité à chaque séparation.

Ces enfants ont donc appris qu’il fallait en faire beaucoup, donner plus que de raison et ne rien demander pour avoir droit à un peu d’attention.

C’est ce qu’ils finissent inévitablement par exiger de leur partenaire par la suite.

  • Une autre raison provenant de l’enfance, à l’opposé des dysfonctionnements précédents, l’enfant a été trop couvé et choyé et de ce fait a eu du mal à se construire en tant que personne unique. Il fini par croire qu’il ne peut pas exister par lui-même et qu’il a besoin de l’autre pour se sentir aimé. 

Quelle qu’en soit la cause d’origine, l’enfant ne développe pas sa capacité de s’aimer lui-même et d’exister par lui même. 

  • Il existe bien évidemment, d’autres origines, à la dépendance affective :
  • Un traumatisme ou un deuil très mal vécu peut être également à l’origine d’une dépendance affective. On peut parler, dans ce cas, de trouble de stress post-traumatique : la personne veut tout faire pour éviter la souffrance qu’elle a déjà connue par le passé.
  • L’hypersensibilité émotionnelle peut également être une cause à la dépendance affective. En effet la charge émotionnelle est si importante lorsque la personne est soumise à la tristesse ou à la crainte de perdre l’affection de l’autre, qu’elle accepte tout pour échapper à ce trop-plein émotionnel. Le dépendant affectif privilégiera alors ses émotions à court terme.

COMMENT SORTIR DE LA DEPENDANCE AFFECTIVE ?

Tout d’abord il est fondamental de prendre conscience de sa dépendance affective dans ses relations, quelles soient sentimentales ou amicales. 

Prendre l’importance de créer une base relationnelle saine entre l’autre et soi, en prenant compte de la liberté de chacun est le premier pas vers la guérison définitive et retrouver ainsi une vie saine, équilibrée et sereine.

Dès que la souffrance apparaît, il est nécessaire de prendre l’avis d’un professionnel.

Traitements possibles :

Tout d’abord, un traitement psychothérapeutique et non pas médicamenteux est recommandé. 

Cette carence affective doit être comblée en développant une maturité affective qui ne peut se faire qu’avec une profonde transformation intérieure qui intervient lors d’un accompagnement thérapeutique. 

Après avoir vérifié que cette dépendance ne fait pas partie d’un ensemble dysfonctionnel plus global, les différentes thérapies suivantes sont reconnues comme efficaces dans le traitement des dépendances affectives.

  • La thérapie EFT clinique (Emotional Freedom Techniques) : thérapie énergétique psycho-corporelle efficace dans le traitement des dépendances quelles qu’elles soient. Elle permet d’identifier le ou les évènement(s) à l’origine de la dépendance et le(s) traite afin d’obtenir un changement émotionnel et comportemental. Elle permet également de modifier les croyances limitantes erronées.
  • Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) : cible les croyances erronées que la personne dépendante a sur la vie de couple et cherche à les modifier
  • La thérapie brève EMDR : l’objectif est d’aider à atteindre un équilibre émotionnel, afin que ses réponses à une situation donnée soient adaptées, aussi bien intellectuellement, émotionnellement que physiquement.
  • La  thérapie interpersonnelle (TIP) : aide à identifier ses besoins, ses attentes et à les verbaliser correctement à son interlocuteur. Elle aide à poser et faire respecter les règles de la relation et  à s’assurer que l’autre est disposé à répondre à ses besoins. 

Ces outils thérapeutiques permettent à la personne :

  • D’apprendre à reconnaître la structure de ses relations affectives,
  • De réguler ses émotions liées à la relation à l’autre
  • De retrouver un équilibre entre ses émotions et l’aspect rationnel de la situation qui est vécue
  • De quitter sa position de victime

En se défaisant de ses vieux schémas, la personne apprendra à s’aimer elle-même, à se respecter et à se valoriser en dehors du regard de l’autre. 

En se reconnectant à elle-même, elle trouvera les ressources pour combler sainement ses besoins affectifs. 

En consolidant un bien être intérieur qui ne dépend d’aucune personne, d’aucun objet extérieur, d’aucun travail et d’aucune activité, la personne va soigner cette partie d’elle qui l’empêche aujourd’hui de vivre des relations en accord avec ses besoins intérieurs et ses valeurs.