Comment se développe notre construction psychique ?

La construction psychique de l’individu commence dès sa conception, par la transmission transgénérationnelle inconsciente de la mère et également selon les conditions de sa conception.  Elle est également en lien avec sa génétique.

Cette construction psychique est liée aux étapes par lesquelles l’enfant passe et les crises qu’il peut être amené à vivre. 

Sa construction psychique est en lien avec les changements de son corps, des changements dans ses besoins et pulsions, et ce dans un environnement relationnel de plus en plus complexe du monde extérieur.

L’enfant se voit donc doté d’un équipement génétique, de transmissions transgénérationnelles et de potentialités somatiques d’une part et d’autre part d’un environnement extérieur particulier (familial, culturel, sociétal…)

 La rencontre de ces éléments va contribuer, lentement et par étapes à la construction psychique d’un individu unique.

On peut donc dire que le psychisme humain se construit progressivement depuis l’enfance et de l’adolescence, puis, il est l’objet de remaniements pendant l’âge adulte.

Cette construction ne se fait  pas de la même manière pour tous car elle dépend de l’histoire de chacun. 

Elle est déterminée par la conjugaison entre la vie relationnelle de l’enfant (relations avec les parents, le cadre social, les événements, l’éducation), son développement physiologique et biologique et les mouvements propres à son  psychisme (son auto-organisation, la dynamique des forces en jeu).

Avec l’âge varient les rapports de l’enfant avec son milieu. Dans toutes les périodes par lesquelles passe l’enfant, il faut savoir préparer la période suivante. En effet selon les âges, le milieu de l’enfant devient différent. L’enfant s’adapte à un certain milieu selon ses propres besoins et selon les moyens de les satisfaire qui s’y trouvent à sa disposition. Il joue un rôle primordial dans le développement de l’enfant. 

Déjà avant la naissance, le fœtus devient un petit individu dans le ventre de sa mère. 

Très tôt il s’organise, il possède déjà des glandes endocrines pour régler la croissance successive de ses organes et il a aussi un système nerveux capable de réagir selon le niveau des structures déjà réalisées. 

Selon moi, dès ce moment-là le système nerveux de l’enfant est capable d’enregistrer des impressions et des souvenirs en rapport avec son existence intra-utérine, il a déjà des réflexes de postures qui sont suscités par ses impressions. 

Notre cerveau est comme un ordinateur, qui dans les 3 derniers mois de la grossesse acquiert un programme de démarrage (permet de respirer). 

A part respirer, il ne sait rien faire d’autre.

Pendant les 7 premières années le cerveau est conçu pour télécharger des comportements, en regardant ce qu’il se passe autour de lui, les comportements de ses parents, la famille….

Ces comportements observés correspondent à des réponses à des stimuli. 

« Quand ce stimulus se présente, mon père a telle réponse, quand c’est celui-là ma mère fait ceci. » Alors on apprend à gérer un comportement.

Pendant les 7 premières années un enfant n’utilise pas un programme pour faire des choses de façon créative, il se contente d’activer le programme de façon mécanique, et cela se répète comme une habitude. Et donc lorsqu’on opère depuis l’inconscient, on fonctionne à partir de ces programmes.

Un enfant apprend donc les règles pour être un membre de la famille, de la communauté, les règles de la vie, en observant les autres et en imitant leurs comportements.

Ainsi les comportements de notre programme, de notre inconscient, qui ont été placés ne viennent pas de nous mais de l’observation des autres, de notre mère, de notre père…

On parle d’attachement et de lien.

La théorie de l’attachement (John Bowlby) est la théorie la plus citée, car elle intègre des données biologiques, affectives, psychologiques, sociales et culturelles. Le développement psychologique de l’individu est lié aussi bien à sa biologie qu’à son environnement extérieur et aux liens crées par le caregiver (personne qui prend soin du bébé), le plus souvent la mère, dans un premier temps et par son environnement familial dans un second temps (le père, la fratrie, la famille) pour être élargie dans un environnement social.

Cette théorie a bouleversé la psychologie et les approches thérapeutiques. Elle étudie progressivement notre façon d’intérioriser les liens et nos modèles internes opérants, ce qui donne la mentalisation.

Ce qui crée une séparation heureuse dans la vie, c’est qu’on a eu un attachement sécure. On a tous besoin d’une sécurité intérieure. John Bowlby démontre que l’attachement « fonctionne du berceau jusqu’à la tombe ».

Si la figure d’attachement est une bonne base de sécurité alors l’enfant peut explorer le milieu extérieur et l’adolescent vivre ses expériences sociales et sexuelles

John Bowlby insiste sur le fait  que le lien est facteur d’ouverture et de socialisation. 

Aujourd’hui se pose la question de l’addiction chez les adolescents et les adultes. Cela intéresse la relation intime de chacun de nous dans l’objet. Dans l’addiction il y a toujours un passé traumatique, une vulnérabilité lié à un trouble de l’attachement.

Pour expliquer le développement psychique de l’individu, il est incontournable, pour moi, d’associer les études psychiques aux constats biologiques.

Des imageries neurologiques montrent qu’une information qui vient du milieu extérieur, sculpte des circuits dans le cerveau et crée des aptitudes particulières à voir le monde. Le monde qu’on perçoit est un monde construit par notre appareil neurologique, qui lui-même est construit par le monde extérieur (les figures d’attachement). Une fois que notre cerveau est sculpté par le milieu (relationnel, social, culturel, familial…), il perçoit un type de monde. Ce monde perçu est celui par lequel on a été préparé pour le voir.

Vers l’âge de 10 mois on peut observer les différences d’évolution psychique selon que l’enfant a acquit ou non l’attachement sécure.

L’enfant ayant un attachement sécure peut explorer son environnement et vivre des situations nouvelles sans sa mère. Ils se mettent en disposition spatiale pour appréhender l’extérieur et apprendre à parler (par exemple).

L’enfant insécure, lui,  a un tout autre comportement, il ne se met pas en disposition spatiale car chez lui il ya une souffrance (maltraitance, environnement dangereux…)

Au travers de ses observations en mise en situation étrange pour un enfant, Mary Ainsworth a identifié différents  types de comportements qui reflétaient à ses yeux ce qui se passait chez eux, et qui permettaient de déterminer différentes catégories d’enfants :

  • Les enfants sécures qui n’activent leur système d’attachement qu’en cas d’absence de la mère (danger potentiel) et qui retrouvent leur calme et leur envie d’explorer très rapidement après son retour. 
  • Les enfants anxieux-évitant qui détournent leur attention de leur mère pour se focaliser principalement sur leur environnement. L’absence de préoccupation pour leur sécurité résulte d’une attitude défensive qui consiste à ne rien attendre d’autrui afin de ne pas être déçus. Ils apprennent à ne pas prendre leurs propres sentiments en compte. Pour éviter de se sentir dépendants de leurs proches, ils tentent de se suffire à eux-mêmes. 
  • Les enfants anxieux-ambivalents qui montrent une grande détresse lorsque la mère quitte la pièce, et lorsqu’elle y revient. Ces enfants vivent une relation de dépendance avec leur mère, ce qui les empêche d’explorer.
  • Les enfants désorganisés-désorientés qui ne semblent pas pouvoir adopter une stratégie d’attachement cohérente. La mère représenterait pour eux à la fois un havre de sécurité et une source de danger (ces enfants seraient souvent maltraités ou auraient eu des mères traumatisées et donc peu sécurisantes). 

Freud dit que c’est la structure du milieu qui modifie la manière dont notre intérieur fonctionne. Les neurosciences confirment cette affirmation aujourd’hui. 

C’est avec la présence de l’autre que l’enfant peut se développer psychiquement et physiquement également. Même s’il a tous ses besoins physiologiques satisfaits, il a été démontré que l’enfant isolé tombera malade de la privation de l’autre.

La privation sensorielle précoce développe un facteur de vulnérabilité neuro-émotionnelle chez l’individu. 

Certains enfants concernés par la privation affective se font aider facilement et d’autres non. Cela peut s’expliquer par la transmission de la sérotonine. Les « petits transporteurs » sont des personnes hyper sensibles mais qui se font aider facilement. Les « grands transporteurs » sont moins sensibles, mais en cas de difficultés souffrent tout aussi fort. En revanche, ils ont du mal à se faire aider car ils ne comptent que sur eux même.

Les enfants en carence affective  vivent intérieurement avec la peur. On le constate avec leur comportement au moment du coucher. Ils ont du mal à s’endormir car ils ont peur. Ils pleurent jusqu’à épuisement. La phase lente préparatoire du sommeil qui est la celle où la sécrétion des hormones de croissance et sexuelle est la plus forte, est donc passée. De ce fait ils bénéficient moins de cette sécrétion d’hormones. On constate alors que ces enfants sont plus petits que la moyenne de des enfants de leur âge. 

De ces constats on peut donc affirmer que le milieu, la génétique et la biologie sont donc étroitement liés dans le développement psychique de l’individu.

L’enfant passe par différentes étapes, et le passage de chacune est source d’évolution. Tout ce qui est noté au dessus est bien évidemment ancré dans chaque étape de son développement.

A chaque étape correspond des développements physiques et psychologiques :

  • La phase orale, de la naissance à 2 ans
  • Le stade anal de 2 à 3 ans
  • Le stade phallique de 3 à 4 ans
  • La phase œdipienne de 3 à 6 ans
  • La période de latence de 6 ans à la puberté
  • L’adolescence

L’âge de trois à cinq ans (stades phallique et Œdipien) est également celui de l’école maternelle. Il se trouve avec d’autres enfants qui sont du même âge que lui, et avec qui ne se jouent pas les mêmes relations qu’avec les frères et sœurs.

On prépare l’enfant dans ses relations aux autres pour l’étape suivante de son développement psychologique en société.

L’âge, de six à sept ans (période de latence) est l’âge où l’enfant n’est plus uniquement un élément du groupe familial. Il se conçoit parmi ses camarades comme une personne qui peut s’ajouter à des groupes différents.

Il devient capable de compter avec les autres, de chercher à persuader les autres ou à les dominer. Cette étape est extrêmement importante dans le développement de ses capacités intellectuelles, psychologiques et sociales de l’enfant.

Il éprouve le besoin de se faire valoir en tant qu’individu et de mesurer sa force par rapport au groupe. Ainsi s’établissent des rapports réciproques entre le groupe et l’enfant

La puberté, c’est la période où le jeune voit son corps changer et en même temps il se produit des modifications d’ordre psychique. 

L’adolescent se sent comme désorienté vis-à-vis de lui-même, tant au point de vue physique qu’au point de vue moral. Ils ont le besoin de s’examiner dans un miroir et de constater les transformations de leur visage. Ils se sentent changer et en sont comme dépaysés. 

Ce changement, ce dépaysement vis-à-vis d’eux-mêmes ils l’éprouvent encore plus à l’égard de leur entourage. 

Ils deviennent intolérants vis-à-vis du contrôle exercé sur eux par leurs parents. Ils souhaitent un changement, mais ils ne savent pas vers quoi se tourner. 

Les sentiments et ressentis prennent des proportions plus exacerbées que pour les adultes.

Dans le comportement extérieur, on voit des réactions de jactance, le désir d’attirer l’attention, le besoin d’épater l’entourage, mais en même temps et paradoxalement il y a une attitude de gêne, un sentiment de honte, de doute sur soi-même.

Tous les auteurs qui ont étudié la vie affective de l’enfant ont constaté chez lui une ambivalence semblable. Cette ambivalence existe à son maximum dans la période de l’adolescence. 

Durant cette adolescence la croissance somatique reprend provoquant d’importantes modifications corporelles. Le statut social est en évolution, mais devient source de conflits. 

Les problématiques par rapport aux parents se rejouent et se résolvent définitivement, ce qui permet l’abandon de l’enfance et l’entrée dans l’âge adulte, tant du point de vue relationnel que sexuel. 

Il y a chez lui un besoin de conquête, de renouvellement, d’aventure, un besoin de se renoncer lui-même, de se libérer par l’action, par l’inédit, par l’imprévu, d’anéantir, ce qui par ailleurs le paralyse. 

Il faut utiliser ce goût de l’aventure, ce goût de dépasser la vie quotidienne, ce goût de s’unir à d’autres qui ont les mêmes sentiments, les mêmes aspirations, ce goût de dépasser l’ambiance actuelle, pour aider l’adolescent à faire son choix parmi les valeurs sociales, des valeurs morales. 

Ce besoin de choix, marquent une évolution décisive de l’individu. On cherche sa famille intellectuelle, sa famille spirituelle. Il cherche à se responsabiliser au travers de ses choix.

La responsabilité, c’est, en effet, prendre sur soi le succès d’une action qui est exécutée en collaboration avec d’autres ou au profit d’une collectivité. La responsabilité confère un droit de domination mais comporte aussi un devoir de sacrifice. 

Le responsable est celui qui doit éventuellement se sacrifier, être le premier à se sacrifier. Voilà un sentiment qu’il faut essayer de développer chez l’adolescent, le sentiment de la responsabilité. 

 C’est l’âge de l’émancipation et de la conquête d’une autonomie sociale, économique et sexuelle. Ce n’est qu’au terme de cette évolution que la pensée rationnelle prend le dessus, si tout s’est bien passé.

Tout au long de sa vie, l’individu vivra des expériences qui lui feront ajuster sa perception de son monde extérieur et intérieur.

Pour conclure j’insisterai sur le fait que le développement psychique de l’individu est fonction de l’affection et la sécurité données par la mère ou le caregiver, et par les figures d’attachement qui vont lui transmettre des comportements qu’il automatisera inconsciemment.

La biologie de l’attachement, la neurologie, l’épi-génétique et la psycho-généalogie  apportent également des explications quant au développement du psychisme de l’individu.